Greffer un corps entier sur une tête : bientôt possible ?
Rédigé par Charlotte Canonne , le 27 February 2015 à 11h55
Et si greffer le corps d’un donneur mort sur la tête d’un patient vivant était possible ? C’est le projet complètement fou qu’a eu Sergio Canavero, neurochirurgien à l’université de Turin en Italie. Il vient de dévoiler le protocole de son éventuelle opération qui consisterait à fusionner la moelle épinière d’un donneur avec la tête du receveur.
Une greffe qui dérange l’éthique
Relier le corps d’un patient sur le corps d’un donneur grâce à la fusion de la moelle épinière, est-ce vraiment réalisable ? C’est pourtant le projet du chirurgien Sergio Canavero qui souhaite le présenter lors du congrès de l’Académie américaine de chirurgie neurologique qui aura lieu en 2015 dans le Maryland aux États-Unis.
Oui mais voilà, cette greffe n’est éthiquement pas envisageable pour la plupart des gens et l’idée du chirurgien choque et dérange. Non sans rappeler les romans de science-fiction et le mythe de Frankenstein. Cette greffe de tête d’un patient sur un corps de donneur permettrait, par exemple, à des tétraplégiques de retrouver l’usage d’un corps sain. Le problème est que l’on ne sait pas comment sera la vie du greffé. Quelles seront ses sensations ? Comment le cerveau va-t-il réagir ? Pour Sergio Canavera "L’opération créera une chimère porteuse de l’esprit du receveur mais qui engendrera la descendance du donneur.".
Selon Sergio Canavero, l’opération pourrait être réalisable d’ici deux ans s’il parvient à réunir les fonds nécessaires et à convaincre le comité d’éthique, l’étape la plus difficile. Ce type de greffe divisera le monde médical comme les citoyens du monde entier. Comment un homme pourrait-il vivre avec le corps entier de quelqu’un d’autre ?
Relier la moelle épinière au cerveau : est-ce possible ?
Cette opération est-elle scientifiquement réalisable ? Pour le chirurgien, toutes les techniques actuelles le permettent : "Aujourd’hui, nous avons les techniques pour accomplir cette reconnexion, assure-t-il. Des travaux ont montré que des substances chimiques, le polyéthylène glycol (PEG) et le chitosan, induisent la fusion des fibres nerveuses (axones) coupées. Nous pourrions, grâce à cela, reconnecter plus de 50% des axones. Or, d’après la littérature, la connexion de 10% seulement de fibres descendantes (du cerveau vers le corps) de la moelle épinière suffit pour rétablir le contrôle volontaire de la motricité."
À noter que cette greffe a déjà été réalisée sur un singe en 1970 par le chirurgien Robert White de la Case Western Reserve University à Cleveland aux États-Unis. L’animal a survécu 36h dont 3h totalement éveillé en conservant l’usage de tous ses sens. Malheureusement, la moelle épinière n’a pas pu se reconnecter avec le cerveau. Selon Sergio Canavera, les recherches et la médecine ont suffisamment évolué pour assurer une reconnexion parfaite de la moelle épinière avec le cerveau. Ce projet laisse de nombreux chirurgiens sceptiques. Bien qu’effectivement certaines substances chimiques puissent connecter naturellement les nerfs, la moelle épinière nécessite de sutures chirurgicales pour pouvoir être reliée et cette technique présente un risque de paralysie élevé.
Le risque principal reste cependant que le corps soit rejeté par la tête du patient. Le directeur de l’unité Inserm-Centre de recherche en transplantation et immunologie de Nantes est clair à ce sujet : "Les organes principaux du système immunitaire du corps (moelle osseuse, rate et ganglions) réagiront contre le tissu composite (muscles, peau, cerveau…) qui constitue la tête". Même s’il existe des médicaments antirejet très efficaces et très fiables, le rejet sur le long terme est une option à ne pas négliger. Contrairement aux autres greffons, il ne sera pas envisageable de détacher le corps une fois relié à la tête si la greffe ne fonctionne pas.
Sergio Canavero aurait-il perdu la tête ? Sera-t-il possible de repousser toujours plus loin les limites du possible et du politiquement correct ? Pour que la greffe puisse un jour être réalisée, le chirurgien devra obligatoirement passer par la case « comité éthique ».