On a Sanofi, ils ont l'échalote : "Médecine d'ailleurs" à voir sur ARTE
Rédigé par Clémentine Billé , le 14 March 2014 à 14h00
Bernard Fontanille a pu observer, et collaborer avec les médecins pendant son tour du monde
Bernard Fontanille, médecin urgentiste à l’hôpital de Chamonix a fait un tour du monde pour découvrir des médecines traditionelles dont vous n'avez sûrement même pas entendu parler. Nous revenons avec lui sur son expérience, diffusée sur Arte sous la forme de la série documentaire "Médecine d’ailleurs" du 3 au 28 mars.
« Plus de 80% des gens dans le monde n’ont pas accès à notre médecine » explique Bernard Fontanille. 80%, ça vaut le coup de s’intéresser aux médecines traditionnelles. Ce médecin urgentiste a été dans les endroits les plus reculés de la planète, pour découvrir les pratiques médicinales les plus anciennes. Il affirme alors « Moi, ce qui m’intéressait, c’était vraiment les pratiques. Pourquoi certaines médecines sont encore là, quels sont leur contexte ? » L’émission donne lieu à la découverte, aux voyages, et dans un second temps à la connaissance.
La médecine traditionnelle, des pratiques très localisées
30 % des pathologies ne peuvent être soignées que par la médecine occidentale. Pour le reste, la médecine traditionnelle est en parfaite mesure de le faire. Bien sûr, il ne sera pas question de chimiothérapie ou de greffe du cœur, mais de soulager son voisin avec les moyens du bord. C’est ce qui fascine ce médecin, un habitué du terrain qui accompagnait depuis des années les équipes des émissions telles que "Rendez-vous en Terre Inconnue". « Il est évident qu’une méningite, on ne la soigne pas avec des pouces de radis, ce n’est pas possible (…) Si on ne se vaccine pas, on meurt de la polio, de la rougeole. L’hygiène y fait beaucoup aussi » assure Bernard Fontanille. Mais il faut garder en tête que la médecine occidentale s’est beaucoup imprégnée de toute cette médecine traditionnelle.
Chaque épisode comporte une histoire et a une problématique bien spécifique. Bernard Fontanille considère que cette médecine n'est pas forcément importable car elle dépend de contextes environnementaux. Les habitants, par manque de moyens ont appris à regarder autour d'eux : ils ont vu des plantes, bingo ! « Là où il y a du paludisme, il y a des gens qui ont trouvé des plantes pour soigner le paludisme, typiquement au Cambodge (…) c’est merveilleux parce que c’est très localisé ».
Soigner sans connaissances scientifiques, et sans moyens
Dans ces régions reculées, l’aspect culturel prime presque avant toute connaissance médicinale. Il explique « On ne peut pas reprocher à des pêcheurs qui vivent avec moins d’un euro par jour de ne pas savoir que telle racine a des effets secondaires. Par contre ce qui m’intéresse c’est de savoir qui est ce gars qui a les pieds dans la boue, qui va pêcher en pleine nuit et après quand on a besoin de lui il se lève et il va donner des racines. Qu’est-ce qui l’anime ? » Sa réponse : l’empathie, la même chose qui l’anime lui.
« Souvent, les gens qui soignent sont du même niveau social que les malades, ils ont les mêmes vies difficiles et ils font ce qu’ils peuvent ». Soigner sans connaissance et sans moyens : challenge relevé –par obligation- pour ces habitants des villages, qui sont animés par l'envie d'aider. Fasciné, Bernard Fontanille raconte que l'approche est tout à fait différente : le patient est placé au cœur de la communauté, à l'inverse des sociétés occidentales qui le mette à part, l'excluant presque.
Leurs techniques peuvent souvent nous paraître désuètes. En Indonésie, une échalote coupée en deux prend la fièvre des patients. Le médecin la met sur la peau : si elle tient c’est qu’il y a de la fièvre, si elle ne tient pas, il n’y en a pas. « C’est dû aux sucs de l’échalote qui réagissent à la chaleur. C’est comme l’oignon. Quand on le sort du frigo, il ne colle pas mais si on le garde dans nos mains, il y a une substance un peu collante sur nos doigts ». Ce n’est pas de grande médecine mais « On soulage le voisin qui a de la diarrhée parce que l’eau n’est pas bonne en mélangeant trois plantes pour combattre les microbes » explique Bernard Fontanille.
Son expérience la plus marquante : les rituels chamaniques brésiliens
Bernard Fontanille, passioné, nous raconte le rituel lui aussi très local qui l’a le plus marqué. Il concerne une tribu au Brésil. La malade est la fille du chef de cette communauté. Déprimée, elle est allée à l’hôpital. Les membres de la tribu trouvaient qu’elle n’était pas guérie. Pourquoi ? Bernard Fontanille nous raconte.
« Il proposait un rituel qui était destiné à la soigner, et à chasser un mauvais esprit qui était amoureux de cette fille. C’est spirituel, c’est très poétique et très beau. Il fallait chasser cet esprit parce que la fille avait un mari et il ne fallait pas qu’ils soient en conflit tous les deux. C’était assez incroyable cette façon d’imaginer la souffrance psychologique. Le rituel était bestial, vraiment animal, très primitif et j’ai fait une espèce de voyage dans le temps. J’étais assis dans la maison communautaire, et quand j’y suis retourné ils étaient torses-nus, presque à poil, de la peinture partout, les cheveux teints, des plumes d’oiseaux dans les oreilles, des griffes de jaguars autour du cou. C’est très étonnant visuellement et c’est très bruyant, il y a beaucoup de fumée. Au final, tout cela sert à marquer l’inconscient collectif. Cette mise en scène est de la thérapie de groupe. Cela fonctionne dans une communauté, dans une culture. »
Après ce tour du monde, Bernard Fontanille travaille déjà sur une deuxième saison. Il envisage de suivre le même principe, en étant peut-être plus dans la connaissance que dans la pure découverte. En attendant, vous pouvez voir ce primer voir sur Arte.