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Des bébés accros aux sondes alimentaires : le sevrage arrive en France

Rédigé par , le 29 April 2014 à 17h30

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Un recours temporaire à une sonde alimentaire peut devenir une véritable addiction. Le sevrage est indispensable.

Un recours temporaire à une sonde alimentaire peut devenir une véritable addiction. Le sevrage est indispensable.

Après une maladie ou des difficultés dès la naissance pour avaler, les médecins apposent à des millions d’enfants une sonde qui les nourrit directement. Des milliers d’entre eux deviennent dépendants jusqu’à l’âge adulte ! Une association française propose un stage pour apprendre aux docteurs à sevrer ces enfants. 

C’est un combat sans relâche, acharné même qu’Alexandra Germain mène à Mayenne. Fondatrice de Bébé sans fil, elle gère cette association qui veut faire connaître un trouble infantile rare. Elle s'occupe de tous les enfants et adolescents qui à un moment n'étaient plus en capacité de se nourrir par voie orale.

Ils s’alimentent grâce à une sonde nasale ou gastrique, et en deviennent dépendants alors que la pose ne devait être que temporaire. La cause de cette addiction n’est pas encore connue, mais Bébé sans fil a fait appel à une équipe autrichienne pour y remédier, et sevrer ces enfants.

Des médecins français formés par une équipe autrichienne

Du 28 avril au 9 mai, l’association organise un stage de sevrage, en collaboration avec Notube, une équipe autrichienne spécialisée. Grande frayeur la semaine passée : le stage a failli être annulé suite à une lettre reçue par le directeur du centre hospitalier du nord-Mayenne, Frédérick Marie. L'agence régionale de santé (ARS) des pays de la Loire en est l'expéditeur, et demande à l’établissement de ne pas accueillir Notube.  « Les faits pourraient être constitutifs d'un exercice illégal de la médecine », prévient l'ARS. En effet, les thérapeutes autrichiens, Marguerite Dunitz-Scheer et Peter Scheer, ne sont pas enregistrés auprès de l'ordre des médecins français.

Le feu vert a finalement été donné en fin de semaine : le stage aura bien lieu, et a pour objectif de traiter quinze enfants âgés de un à seize ans. La réticence de l'ARS venait également du fait que le sevrage des sondes alimentaires est une pratique innovante, et non maîtrisée en France. La présence de Notube s’avère donc indispensable : avec son équipe composée d'une dizaine de médecins de la clinique universitaire de Graz, dans le sud-est de l'Autriche, elle a déjà soignée plus de 1600 enfants, âgés de moins de trois ans pour la plupart.

Loya, 4 ans, sevrée depuis 2011

Le traitement paraît simple. Il s'agit de diminuer l'alimentation par sonde au fur et à mesure, afin que l'enfant n’ait plus cette constante sensation de satiété. Lorsqu'il sentira la faim, il sera poussé à s'alimenter par la bouche.

Loya, la fille d’Alexandra Germain née en 2010, a déjà testé cette technique. En raison de problèmes de succion dès la naissance, elle ne prenait plus de poids et refusait de plus en plus d’aliments. Elle a d’abord eu recours à une sonde par voie nasale, puis à un bouton de gastrostomie (qui permet une alimentation directement par l’estomac). Elle a développé une addiction à la sonde en quelques mois, ses parents se sentaient désemparés, jusqu’au séjour en Autriche en 2011. En trois semaines, la fillette était sevrée.

Le bouton de gastrostomie nourrit directement l'estomac

Jusqu’à 16 000 euros pour se sevrer : arnaque ou nécessité ?

Patrick Tounian, le chef du service de nutrition et de gastro-entérologie pédiatrique de l'hôpital Trousseau (Paris) craint que l’aspect commercial du sevrage prime avant l’aspect médical. Il estime que le traitement pratiqué par les chirurgiens autrichiens « n'a rien de révolutionnaire par rapport à ce qu'on fait habituellement ». Ce serait selon lui l'empathie de l'équipe de Notube qui expliquerait ses réussites : « Il faut écouter les parents, y passer du temps, donner de petits conseils qui rassurent… On le fait peut-être mal, ou pas assez, et les Autrichiens y parviennent. »

Un stage avait déjà eu lieu en 2013. Véronique Abadie, la chef du service de pédiatrie générale de l'hôpital Necker (Paris) y assisté et reconnaît être satisfaite. Elle souligne toutefois que « la stratégie peut manquer d'encadrement par un somaticien qui connaît l'enfant et son histoire".

Le traitement a convaincu les familles de malades et les autorités sanitaires. Elles sont lasses des consultations médicales sans fin, et de voir leur enfant branchés « six heures par jour". Des parents français créent des associations pour financer des séjours à l'étranger (allant de 14 000 à 16 000 euros) ou payer le stage en France, qui coûte 8 500 euros.
 

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L'auteur
Clémentine Billé

Bio

Clémentine Billé est rédactrice, spécialisée dans les questions sociétales relatives à la santé.Voir plus

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