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Le burn out peut-il être reconnu comme une maladie professionnelle ?

Rédigé par , le 09 December 2014 à 14h32

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Le burn-out toucherait près d'un salarié sur 4 au cours de sa carrière.

Le burn-out toucherait près d'un salarié sur 4 au cours de sa carrière.

Alors qu'une enquête révèle que près d'un salarié sur 4 a déjà été victime d'un épisode grave tel qu'une dépression ou un burn out, un groupe de députés demande qu'il soit reconnu comme maladie professionnelle. L'objectif : que les entreprises financent ces épisodes, qui coûtent très cher à la Sécurité Sociale.

Faire reposer la responsabilité des burn out sur les employeurs

26 députés de la majorité (PS) se sont exprimés dans une tribune, publiée dans Le Journal du Dimanche (numéro du 07/12/2014) afin d'attirer l'attention sur le burn out. Ces épisodes, dits « d'épuisement professionnel », seraient de plus en plus fréquents dans le monde du travail. Selon une étude du cabinet Technologia (cabinet d'évaluation et de prévention des risques professionnels), plus de 3 millions d'actifs (soit 12 %) seraient à risque de connaître un tel épisode. De plus, « un salarié sur quatre du secteur privé déclare avoir eu un problème psychologique grave au travail », insistent les députés.

Ces troubles, qui seraient notamment dûs à une surcharge de travail et à un stress important, peuvent conduire à un isolement social et avoir des conséquences graves sur la santé.

C'est pourquoi les 26 députés signataires de la tribune réclament que le burn-out soit désormais pris en charge par la branche « accident du travail et maladies professionnelles (AT-MP) de la Sécurité Sociale, financée à 97 % par des cotisations patronales. Le burn-out doit être « à la charge de ceux qui en sont responsables, c'est à dire les employeurs », martèlent les députés.

Comme le note Marie Pezé, psychologue et psychanalyste à l'origine des consultations « Souffrance et Travail » depuis 1997, « c'est à l'entreprise, dans la loi, de préserver la santé physique et mentale de ses salariés. Pouvoir déclarer en maladie professionnelle toutes les pathologies liées à l’épuisement nerveux serait une aubaine, tant pour améliorer un tout petit peu les comptes de l’assurance maladie, que pour rapatrier du côté de l’organisation du travail la question de la santé au travail ».

En effet, les comptes de la Sécurité Sociale pourraient bénéficier de la reconnaissance du burn-out en tant que maladie professionnelle. Selon les estimations du cabinet Technologia, basées sur les évaluations de l'Institut national de la recherche et de la sécurité (INRS), « le coût social du stress professionnel » serait de « 2 à 3 milliards d'euros », soit 10 à 20 % des dépenses découlant des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Qu'est-ce que cette reconnaissance changerait concrètement ?

Aujourd'hui, il est très difficile d'être pris en charge par l'AT-MP. En cas de stress au travail, les patients peuvent bénéficier d'un congé maladie ou d'un temps partiel thérapeutique, restant ainsi sous le régime de l'Assurance Maladie. Seulement quelques dizaines de cas sont reconnues comme « maladies professionnelles » et sont donc pris en charge par l'AT-MP. Pour cela, l'épuisement professionnel doit avoir entraîné une incapacité permanente de plus de 25 % et un lien « direct et essentiel » avec le travail doit avoir été mis en évidence (comme le précisent les dispositions en vigueur).

De plus, la définition même « d'épuisement professionnel » demeure assez vague. Cet épuisement se traduirait, en plus d'une très grande fatigue, par des douleurs physiques et des crises d'angoisse.

Selon les députés, ces épisodes de burn-out vont toucher de plus en plus de salariés.

Pour améliorer cette prise en charge, les députés proposent d'ajouter au tableau des maladies professionnelles deux éléments, afin que le burn out soit définitivement considéré comme une maladie liée au travail : la « dépression suite à un épuisement profond » et le « stress post-traumatique au travail ».

En cas de reconnaissance, le changement serait indéniable pour les salariés. Financièrement, les frais médicaux seraient mieux remboursés que sous le régime du congé maladie classique. « Se battre contre l'administration, c'est encore une charge en plus à gérer. Il vaut mieux être drogué, alcoolique ou assassin : vous êtes mieux traités, car là, les victimes de burn-out sont traitées comme un simple dossier », déclare un ancien salarié, qui a dû être arrêté pendant 6 mois, suite à un épisode de ce type.

Pour les députés, cette reconnaissance est indispensable : « Pour ne pas avoir de cotisations maladies qui augmentent, la reconnaissance permettra aux dirigeants de mettre en place des politiques adaptées en matière de prévention (...) Ça sera un cercle vertueux et tout le monde y gagnera », a déclaré Jean-Claude Delgènes, directeur général du groupe Technologia.

Un poids sur la vie au travail, difficile à diagnostiquer

Considéré par les députés comme « une question majeure dans notre société du 21e siècle », le burn-out toucherait, aujourd'hui en France, un salarié sur 4 au cours de sa carrière. Cependant, celui-ci reste très difficile à diagnostiquer, comme l'explique Antoine Pelissolo, professeur de psychiatrie : « le burn-out n’est pas un syndrome univoque. Il s’agit en fait d’un syndrome dépressif plus ou moins étendu, avec quelques particularités (fatigue, mésestime de soi, découragement) qui n’en sont pourtant en rien spécifiques. Il n’y a pas de "marqueur" psychologique, et encore moins physique, permettant de différencier à coup sûr un burn-out d’une dépression classique ou d’un état de stress sévère dans un contexte de pression professionnelle intense ».

Un diagnostic compliqué pour un phénomène « malheureusement destiné à s'accroître », le salariat étant « devenu une variable d'ajustement des politiques de gain de productivité et de rentabilité financière auxquelles s'astreignent les entreprises sous l'étreinte de la concurrence », déclarent les députés.

Des médecins du travail avaient déjà lancé un appel au gouvernement, à la mi-novembre, suite à la recrudescence constatée des épuisements professionnels ces dernières années. 

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L'auteur
Laure Hanggi

Laure Hanggi

Rédactrice

Bio

Etudiante en histoire passionnée d'actualité en général et notamment des questions de santé moderne, en tant qu'enjeux de société. Voir plus

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